samedi 24 mai 2008

L'impossible rêve de Rafa.

Le samedi 24 mai 2008

L'impossible rêve de Rafa

Rafael Nadal (Photo AP)
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Rafael Nadal
Photo AP

Vincent Brousseau-Pouliot

La Presse

À seulement 21 ans, Rafael Nadal tentera de remporter son quatrième titre consécutif à Roland-Garros. Et de conserver sa fiche parfaite de 21 victoires et aucune défaite sur la terre battue parisienne. Du jamais vu, même à l'époque du grand Björn Borg, jadis considéré comme le meilleur joueur de terre battue de l'histoire.


N'importe quel athlète normalement constitué serait comblé. Pas Rafael Nadal. Ce n'est pas que le Majorquin ait une ambition débordante. Au contraire, son air calme et serein donne parfois l'impression qu'il se plaît dans son rôle d'éternel numéro deux mondial.

Si Rafael Nadal ne semble pas satisfait de son sort, c'est qu'il a peut-être choisi le mauvais sport. Gamin, Rafa chérissait un rêve. Un rêve aujourd'hui impossible à réaliser. «Son rêve, c'était de jouer au soccer pour le Real Madrid, qui est toujours son équipe favorite», a dit son oncle et entraîneur Toni Nadal en entrevue à La Presse.

Si la deuxième raquette mondiale a renoncé à son rêve d'enfance, c'est surtout à cause de cet homme. Ancien joueur de tennis professionnel en Espagne, Toni Nadal a mis une raquette de tennis dans les mains de son neveu à l'âge de 3 ans. Enfant, Rafa faisait des malheurs à la fois au tennis et au soccer. «Très tôt, vers 3 ou 4 ans, nous nous sommes rendu compte qu'il avait beaucoup de potentiel au tennis, raconte Toni Nadal. Il aimait mieux le soccer, mais il a commencé à gagner des tournois de tennis. À la fin, il a choisi le tennis, mais il préfère encore aujourd'hui le soccer.»

Champion des Baléares - l'archipel ou se trouve Majorque - à 8 ans, il se distinguait déjà par sa fougue sur un terrain de tennis. «Petit, Rafael était un joueur très enthousiaste qui courait très vite, dit Toni Nadal. Il ressemblait beaucoup à ce qu'on voit aujourd'hui, mais il était encore plus agressif.»

Le clan Nadal réalise qu'il a peut-être une future vedette du tennis entre les mains quand Rafael devient champion européen à 12 ans. À 14 ans, il bat Pat Cash, champion retraité de Wimbledon. Il s'offre son premier top 10 mondial deux ans plus tard sur terre battue, sa surface de prédilection. C'est le début d'une longue série de succès, que le clan Nadal gère selon la philosophie majorquine - en restant calme. «Nous sommes des gens tranquilles qui ne faisons pas un grand cas de nos succès», dit Toni Nadal.

Rafael Nadal n'est d'ailleurs pas la première vedette sportive de la famille. Son autre oncle Miguel a joué, lui, au soccer professionnel. Pendant une décennie, il a été l'un des piliers de l'équipe nationale d'Espagne, tout en faisant des malheurs à Barcelone - d'où son surnom pour le moins évocateur: la Bête de Barcelone.

Des trois frères Nadal, seul le père de Rafael n'a pas gagné sa vie dans le sport. Sébastien Nadal a plutôt eu du succès en affaires. Il détient plusieurs commerces dans l'île de Majorque, dont une entreprise de portes et de fenêtres. Au contraire de ses deux frères, Sébastien n'a jamais été un grand sportif. La famille Nadal a donc été un peu surprise des habiletés sportives de son fils Rafael. «Ç'aurait été plus normal que mon frère Miguel ait un enfant très sportif, dit Toni Nadal en riant. Dans la famille, le père de Rafael est celui qui fait le moins de sport. Sébastien est surtout un sportif de salon: il aime mieux regarder un sport que le pratiquer...»

Au cours des deux prochaines semaines, Sébastien Nadal aura les yeux souvent rivés sur son téléviseur dans la demeure familiale à Majorque, alors qu'il regardera son fils tenter de remporter son quatrième titre consécutif à Roland-Garros. Toute la famille Nadal est d'ailleurs consciente de l'ampleur de la tâche qui attend Rafael à Paris.

«Dans le sport, la chose la plus normale, c'est la défaite, dit Toni Nadal. Les tournois du Grand Chelem sont tous très difficiles. C'est très compliqué de jouer contre les meilleurs au monde durant deux semaines et de sortir victorieux à chaque occasion. Heureusement, Rafael a un peu moins de pression maintenant, car il a gagné le tournoi trois fois. Il est préparé à la victoire comme à la défaite. Lorsqu'il foule le terrain, il essaie de jouer le mieux possible. Avec un peu de chance, tout ira bien.»

Même après toutes ces années au sommet de l'échiquier du tennis mondial, le clan Nadal se préoccupe davantage de l'entraînement de Rafael que de ses résultats en tournoi. «Je lui dis aujourd'hui la même chose qu'avant: de continuer à bien s'entraîner et à s'améliorer, dit Toni Nadal. C'est la seule façon d'arriver à remporter n'importe quel titre. Si tu t'entraînes bien, avec un peu de chance, la victoire sera au rendez-vous. Si tu t'entraînes mal, c'est sûr que ce ne sera pas le cas.»

Condamné à gagner Roland-Garros - et pourquoi pas, d'autres tournois du Grand Chelem -, Rafael Nadal sait qu'il ne soulèvera jamais la Coupe du monde ou le trophée de la Ligue des Champions comme il en rêvait gamin. Avec le recul, il a bien fait d'écouter son oncle Toni. Il a beau avoir la passion du soccer, il est un joueur de tennis dans l'âme. C'est son petit côté individualiste qui fait sa force au tennis, mais qui lui jouait parfois des tours au soccer. «Rafael était un joueur de soccer assez individualiste, se rappelle Toni Nadal en riant. Disons qu'il ne passait pas souvent le ballon...»


Avec la collaboration de Jean-Sébastien Gagnon


RAFAEL NADAL

21 ans, Espagne

> Numéro deux mondial depuis juillet 2005

> Trois titres du Grand Chelem (Roland-Garros 2005, 2006 et 2007)

> Finaliste à Wimbledon en 2007

> Champion de la Coupe Rogers à Montréal en 2005

> 26 titres en simple et quatre en double sur le circuit de l'ATP

Même s'il est droitier, il joue au tennis de la main gauche

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