vendredi 27 février 2009

Adams porte-t-il atteinte à la vie privée du sportif?



ADAMS porte-t-il atteinte à la vie privée du sportif ?
jeudi 26.02.2009, 04:48 - PAR SÉBASTIEN VARNIER
Rafael Nadal se sentirait-il menacé? Le champion de tennis considère que «c'est une persécution intolérable, surtout dans un sportpropre ». PHOTO ARCHIVES AFP
ADAMS. Il ne s'agit pas d'un nouveau champion mais pourtant, ce nom est sur toutes les lèvres sur la planète sportive. Depuis le 1er janvier, les sportifs de haut niveau doivent composer avec ce logiciel qui permet notamment de les localiser en vue de contrôles inopinés. Si le cyclisme et l'athlétisme travaillent avec ADAMS depuis trois années, l'arrivée du logiciel dans les autres sports n'a pas fait que des heureux.

On peut parfois s'amuser de la connaissance des sportifs de leur propre milieu. Les footballeurs, par exemple, semblent avoir découvert depuis quelques jours qu'ils étaient eux aussi soumis aux règles de la lutte antidopage. Comme pour les autres, trois absences au contrôle ou à l'obligation de fournir les informations de localisation pendant une période de 18 mois, peuvent entraîner une procédure disciplinaire contre le sportif.

Si on peut sourire de ce manque d'information (ou d'intérêt) de la part des stars de la L1 ou de la Premier League, la réforme ADAMS n'est pas sans poser quelques soucis éthiques, notamment pour les sports collectifs. Par exemple, seul le capitaine de l'équipe est soumis à la contrainte de la présence journalière d'une heure dans un endroit défini par lui-même. Pourquoi seulement lui ? Le capitaine du LOSC, Rio Mavuba, s'en étonne : « C'est un peu stupide, choisir une seule personne, ça veut dire que les autres font ce qu'ils veulent ! Dire où on est une heure par jour, même pendant les vacances, tu te croirais en prison... Moi je donne une heure où je me trouve à l'entraînement. Peut-être que des joueurs ne voudront plus être capitaine parce qu'ils tiennent à leur liberté... »


Un sport plus propre ?
Voilà une des bizarreries de la nouvelle loi antidopage. Il y en a d'autres, mais il ne faut pas oublier le but du jeu : obtenir un sport plus propre. C'est le message que Jacques Rogge, président du CIO, tente de faire passer : « Je comprends les interrogations des athlètes qui critiquent ces règles mais je crois que les sportifs doivent payer ce prix pour lever la suspicion qui plane sur le sport.
Ne pas accepter cette règle, c'est faire reculer la lutte antidopage. Les sportifs en ont-ils tous conscience ? Quand Rafael Nadal (tennis) glisse : « Je trouve pathétique que l'on nous oblige à cela. C'est une persécution intolérable, surtout dans un sport propre ! », on a envie de lui répondre que ce discours, certains cyclistes le tenaient dans les années 90 et 2000 pour le résultat que l'on connaît.


ADAMS, bien sûr, viole plus que certains principes sur la liberté individuelle et la vie privée. Juridiquement, il serait sans doute très facile de renvoyer ADAMS dans ses 22 mètres. Le syndicat des joueurs professionnels de rugby (Provale) n'attend même que cela, lui qui a appelé à boycotter le code mondial antidopage.
Nier ce code, c'est tuer la lutte antidopage telle qu'on la pratique aujourd'hui. Et si l'on se réfère au nombre de tricheurs attrapés ces dernières années, on ne peut contester l'efficacité des réformes lancées par l'AMA depuis son existence. Il est donc important que les dirigeants jouent aussi le jeu. Ce qui n'est pas toujours le cas si on se réfère à la position de Michel Platini (président de l'UEFA) : « Je supporte ceux qui ne veulent pas suivre ces recommandations. On peut quand même laisser aux footballeurs vingt jours de tranquillité par an pour leurs vacances. Le football est le sport qui fait le plus d'effort en matière de lutte contre le dopage. » Alors que le risque juridique est fort, il ne faudrait pas transformer tout cela en bombe à retardement. Plusieurs syndicats de joueurs (football, rugby) souhaitent entamer des recours. La commission nationale informatique et liberté (CNIL) pourrait être saisie. En Belgique, un groupe de 65 sportifs flandriens a initié une action devant la justice de la communauté flamande pour intrusion à leur vie privée. Le groupe a également introduit une requête en annulation devant le Conseil d'État. Partout la contestation monte... En 2007, des cyclistes espagnols avaient contesté eux aussi cette intrusion mais la justice avait donné raison à l'AMA. Cette fois, les contestataires se nomment aussi Rafael Nadal, Michael Ballack, Alex Ferguson, des noms qui ont une tout autre résonance. Comprendront-ils un jour que tout cela est fait pour que leurs victoires soient encore plus belles et inoubliables ?

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