mardi 16 décembre 2008

Rafael Nadal sait il retourner un (très bon) service?

Rafael Nadal sait il retourner un (très bon) service ?


Un titre provocateur...Ne dit on pas que l’Espagnol est l’un des meilleurs relanceurs du monde? En outre, Rafaël Nadal est, comme vient de le souligner l’ATP, le joueur qui, en 2008, a gagné le plus fréquemment le point sur première ou sur deuxième balle adverse et également celui qui a gagné le plus fréquemment un jeu de retour. De plus, il est 3ème au classement des joueurs qui convertissent le plus fréquemment une balle de break, précédé par Djokovic et Nalbandian. Pourtant, au terme de l’analyse qui suit, il parait bien difficile de classer l’Espagnol parmi les meilleurs retourneurs...

Méthode

Faute de statistiques concernant les retours gagnants, les retours non retournés, ou les points marqués juste après un retour qui a mis le serveur en difficulté, la méthode utilisée a consisté a évaluer Nadal et d’autres joueurs considérés comme de très bons relanceurs (Federer, Nalbandian, Davydenko, Djokovic, Murray) face à deux des meilleurs serveurs du monde, à savoir Ivo Karlovic et Andy Roddick, échantillon modeste mais approprié pour évaluer les qualités de retourneur s’il en est...

Au total, soixante matches ont été pris en compte. 19 ont opposés Karlovic à l’un des joueurs précités et 41 ont opposés l’un de ceux-ci à Andy Roddick.

Federer a joué 7 matches contre Karlovic (6-1 pour le suisse). Deux de ces matches se sont déroulés sur terre battue. Nalbandian a joué deux matchs sur surface rapide et les a gagnés tous les deux. Davydenko a joué trois matches dont un sur terre battue qui est le seul qu’il ait perdu. Nadal a joué deux matchs sur surface rapide et les a gagnés tous les deux. Djokovic n’a joué que deux matchs avec Karlovic, dont un sur terre battue, qu’il a gagné, et un autre sur dur qu’il a perdu. Murray a joué trois matchs sur surface rapide, gagnés tous les trois. Mis à part le cas de Federer, il ne faut donc pas tirer de conclusions définitives concernant les autres joueurs qui n’ont disputé que deux, ou au plus, trois matchs contre Karlovic.

Andy Roddick a disputé 44 matches contre l’un des six joueurs mentionnés. Sur ce total, 17 rencontres ont opposé Federer et Roddick (15-2 pour le suisse). Nadal et Roddick n’ont disputé que 6 matches (4-2 pour l’Espagnol) mais les deux matches de coupe Davis disputés sur terre battue et gagnés par l’Espagnol n’ont pas été pris en compte car, d’une part les statistiques ne sont pas disponibles, ensuite parce que l’insertion de deux matchs sur terre battue fausserait la comparaison dans la mesure ou toutes les autres rencontres, sans exception, ont eu lieu sur surface rapide (herbe, dur, indoor). Roddick et Davydenko ont également disputé 6 matches (5-1 pour l’américain). Nalbandian a joué 5 fois contre lui (3-2 pour l’américain), Djokovic n’a disputé que 3 matches (2-1 pour le serbe) et Murray a joué sept fois contre lui (5-2 pour l’écossais), mais seules six rencontres ont été prises en compte, la septième ayant donné lieu à un abandon dans le premier set.

La méthode employée a consisté à calculer les deux fréquences suivantes:

-La fréquence avec laquelle Karlovic ou Roddick réussissent un ace lorsque leur première balle est bonne, éliminant ainsi les effets des variations de leur pourcentage de premières balles «in» (laquelle est relativement faible pour les deux);

-La fréquence avec laquelle Karlovic ou Roddick gagnent le point lorsqu’ils servent une première balle «in».

Ces deux fréquences constituent des indicateurs inversés de l’efficacité du retour de leurs adversaires qui sont donc évalués à l’aune de leur capacité à ne pas encaisser d’aces et à marquer le point quand la première balle de ces serveurs hors pair passe.

Accessoirement, les résultats permettent de comparer l’efficacité du service de ces deux serveurs.

Ces résultats sont résumés dans le tableau figurant à la fin de l’article. Les principales conclusions paraissent être les suivantes:

Résultats

La capacité de Karlovic à réussir un ace lorsque sa première balle de service est «in» est phénoménale: près de trois fois sur dix! Il est très nettement supérieur à Andy Roddick dans ce registre dont la fréquence est un peu supérieure à deux aces sur dix premières balles «in». S’agissant de Karlovic, cette fréquence ne diminue que faiblement sur terre battue...

De même, alors que les six joueurs précités arrivent à marquer sensiblement plus de points sur première balle adverse que les autres joueurs qu’a rencontré Andy Roddick sur le circuit au cours de la saison 2008, l’écart avec les autres joueurs du circuit est beaucoup plus faible s’agissant de Karlovic. La première balle de ce dernier pose donc presque autant de problème à ces joueurs qu’il n’en pose aux autres.

S’agissant des capacités de ces derniers à retourner et à marquer le point contre ces deux serveurs, les résultats peuvent être résumés ainsi:

Federer et Andy Murray

Au cours des matchs contre Federer, Karlovic a réussi en moyenne un peu plus de 25% d’aces lorsqu’il servait une première balle, soit le pourcentage le plus faible des six joueurs, à l’exception d’Andy Murray. Cependant, en dépit de ce pourcentage faible, Karlovic a néanmoins réussi à gagner près de quatre points sur cinq joués sur sa première balle, ce qui place Federer en avant dernière position du classement...Le fait que deux de ces rencontres se soient déroulées sur terre battue a eu un léger impact sur le pourcentage d’aces, mais pas pratiquement aucun impact sur la fréquence avec laquelle Karlovic a réussi à faire le point à la suite d’une première balle «in».

Contre Andy Roddick, la performance de Federer est impressionnante: il est celui qui, et de loin, encaisse le moins fréquemment un ace et il parvient, en partie de ce fait, à gagner nettement plus fréquemment le point sur la première balle de l’américain que les tous les autres joueurs.

Lorsque l’on combine ces résultats, en accordant autant de poids aux pourcentages obtenus contre l’un ou l’autre (colonne «moyenne» dans le tableau), Federer se classe 1er en ce qui concerne la fréquence d’aces encaissés, et second en ce qui concerne la fréquence à laquelle il parvient à marquer le point lorsque le serveur passe sa première balle.

Andy Murray se classe second en ce qui concerne le premier critère et premier en ce qui concerne le second.

Sa place est liée aux résultats obtenus contre Karlovic. En effet, C’est contre Murray que la fréquence d’aces ou de points remportés sur première balle de Karlovic est la plus faible: un peu moins de 23% d’aces et à peine plus de 74% des points remportés sur première balle. Les trois rencontres se sont disputés sur surface rapide et, mis à part la première, ou les pourcentages de Karlovic sont à peu près les mêmes que ceux obtenus contre les autres joueurs, les deux suivantes se sont déroulées très différemment puisque Karlovic a à peine passé 18% d’aces sur ses premiers services «in», et n’a réussi à faire le point, lorsque sa première balle est passée, que dans à peine 68% des cas. Les matches à venir permettront de déterminer si ces impressions se confirment ou si Karlovic était dans un état de forme très moyen, mais au vu de ces matches, il apparaît que Murray a été de loin de joueur le plus efficace lorsqu’il s’agit de retourner la première balle du joueur croate.

En revanche, son efficacité contre Roddick, sur six matches, a été pratiquement égale à la moyenne des autres joueurs.

Au total, on donnera donc à ce stade la préférence à Federer, dont les performances sont plus homogènes, pour le titre de meilleur relanceur.

Davydenko

Contre Davydenko, Karlovic a réussi à passer près de 27% d’aces lorsqu’il servait une première balle et il marqué 78% des points lorsque sa première balle est passée. Le fait que l’un des matchs se soit déroulée sur terre battue n’a pas fait baisser sa moyenne, ni en ce qui concerne la fréquence avec laquelle il fait un ace, ni celle avec laquelle il fait le point à la suite d’une première balle «in». D’ailleurs, il a gagné cette rencontre sur terre battue. Il est 3ème au nombre d’aces encaissés et 3ème ex aecquo avec Nabandian et Nadal sur la capacité à faire le point sur première balle adverse.

Nalbandian

Contre Nalbandian, Karlovic a réussi à faire un ace sur un peu plus de 26% des premières balles qu’il a servi et il a marqué le point dans un peu plus de 77% des cas ou sa première balle est passée. Nalbandian est aussi celui qui encaisse le plus fréquemment un ace contre Roddick, ce qui a pour conséquence la faible fréquence avec laquelle il parvient à faire le point lorsque l’américain passe sa première balle. Au total, Nalbandian se classe 5ème en ce qui concerne la fréquence d’aces encaissés, et 3ème ex aecquo avec Davydenko et Nadal sur la capacité à faire le point sur première balle adverse. Ce résultat n’est pas particulièrement flatteur pour celui que l’on décrit souvent comme l’un des meilleurs retourneurs du monde...

Djokovic

Contre Djokovic, Karlovic a fait un ace sur un peu plus du tiers (!) des premières balles qu’il a servi «in», un pourcentage d’autant plus élevé que l’une des rencontres s’est déroulée sur terre battue à Hambourg (ce qui n’avait pas empêché le croate de réussir à faire un ace près de trois fois sur dix premières balles «in»). Au cours de l’unique rencontre disputée sur dur, et qu’il a gagnée, le pourcentage d’aces de Karlovic a atteint 37%. Contre Djokovic, et aidé par son pourcentage d’aces particulièrement élevé, le croate a réussi à remporter plus de 82% des points joués sur sa première balle, un pourcentage plus élevé que celui qu’il a obtenu en moyenne sur le circuit en 2008...Pour Djokovic, jusqu’à présent, la première balle du croate est un casse tête.

Contre Roddick, sa performance est, en revanche, pratiquement égale à la moyenne six joueurs.

Au total, Djokovic se classe 4ème en ce qui concerne la fréquence d’aces encaissés et 6ème, c’est-à-dire dernier, sur la capacité à faire le point sur première balle adverse.

Nadal

Nadal constitue un cas à part qui justifie le titre de l’article.

Lorsque Karlovic a servi une première balle «in», Nadal a encaissé un ace plus de quatre fois sur dix (!), pourcentage phénoménal qui tranche avec celui de tous les autres joueurs cités. Une bonne part, la moitié environ puisqu’il n’a joué que deux matches contre Karlovic, s’explique par la performance ahurissante de ce dernier lors de leur dernière rencontre en quarts de finale du Queen’s, un match gagné par Nadal sur le score de 6-7 7-6 7-6 et au cours duquel Karlovic a servi 35 aces, soit près de 44 % (!) des premiers services «in» qu’il a frappé.

Contre Roddick, Nadal a encaissé près d’un ace sur trois premiers services «in» ce qui le placerait à nouveau en dernière position si Nalbandian n’avait réussi à en encaisser légèrement plus, mais ces deux résultats tranchent nettement avec ceux des autres.

Nadal prend donc deux fois plus d’aces que Federer contre Roddick et 60% de plus que lui contre Karlovic...En moyenne, sur la fréquence d’aces encaissés, Nadal est dernier du classement, et de loin...

En dépit du nombre colossal d’aces encaissés, Nadal arrive à faire le point sur la première balle de Karlovic à peu près aussi fréquemment que Davydenko et Nalbandian et fait même un peu mieux que Federer. La même constatation peut être faite lorsque Roddick sert une première balle «in». Il parvient donc, en marquant plus de point que les autres lorsqu’il touche la balle, à obtenir des résultats comparables à ceux de Davydenko, Djokovic et Murray.

Au total, que ce soit contre Karlovic ou contre Roddick, la fréquence à laquelle Nadal parvient à marquer le point sur première balle adverse est strictement égale à la moyenne des six joueurs. Un résultat loin d’être déshonorant mais qui est inférieur à celui qu’il a obtenu, en moyenne, au cours de la saison 2008 puisqu’il se classe au premier rang selon ce critère comme il était indiqué en introduction. Ceci confirme que Nadal a, comparativement aux autres joueurs cités, davantage de difficultés face à un grand serveur...

Dans ces conditions, il est tentant de conclure qu’un grand serveur a plus de chances de passer un ace à Rafael Nadal qu’aux autres joueurs cités, et qu’il a tout intérêt à le faire parce que s’il n’y parvient pas, il a moins de chances de faire le point que contre un autre joueur ensuite....Nadal n’est donc pas un bon relanceur; en revanche, lorsqu’il parvient à toucher le service adverse, c’est lui le meilleur joueur...

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