10e jour - Interview de Rafael Nadal - mardi 3 juin 2008
Q. Rafael, la plupart d'entre nous ici pensaient rester sur le court pendant plus de 1 heure 44. Pourquoi le match a-t-il été si rapide face à Nicolas Almagro ?
R. Avant le match, je pensais que cela allait être un match très difficile pour moi parce que Nicolas est doté d'un très bon service, d’un très bon coup droit, d’un très bon revers. Son seul problème, c'est le déplacement sur le court. Se déplacer sur le court Central n'est pas si simple. Le vent balaie un peu le court et le court est très grand. Si on ne joue pas très souvent sur le court Central, il est difficile de s'adapter. Toujours est-il que j'ai joué un match très complet, très solide. C'est vrai qu'il a commis beaucoup d'erreurs, c'est clair, mais j'ai très bien joué, j'ai contrôlé les points et les échanges avec le coup droit. Et puis je touchais bien la balle en revers aussi. Je pense que mon coup droit a très bien marché aujourd'hui, j'ai très bien senti la balle en coup droit.
Q. Rafa, joues-tu contre les joueurs de notre époque ou contre l'histoire et Bjorn Borg, qui n’a perdu que 32 jeux en 1978 ? Jusqu’à maintenant, tu n’en as perdu que 25. Au cours des deux prochains matches, tu peux te permettre de perdre 7 jeux seulement. Le savais-tu ?
R. Vous savez, rien n'est moins sûr, ce n'est pas sur à 100 % en tout cas ! (Rires).
C'est vrai que j'ai joué Almagro aujourd'hui, je vais jouer Djokovic au prochain tour, ma demi-finale sera difficile parce que Djokovic a un superbe niveau de jeu. Si je veux atteindre la finale, il faudra que je sois à mon meilleur niveau.
Q. Comment évalues-tu ton niveau de jeu ici, est-ce ta meilleure prestation à Roland Garros, cette année ?
R. Ce tournoi est quelque peu étrange. Le court Central est difficile à jouer, il y a beaucoup de vent, il est grand. Ce n'est pas facile de jouer sur le court Central. Ce n'est pas facile d'avoir de très bonnes sensations sur ce court.
Mais au fil de la semaine, j'ai pu m'améliorer, je suis monté en puissance à chaque match. Il est clair que, aujourd'hui, ça a été mon meilleur match du tournoi et j'espère que je vais continuer à monter en puissance.
Q. Peux tu comparer... ?
R. Non, c'est impossible de comparer !
Je ne me souviens pas de l'année dernière, en fait. C'est très difficile de comparer, vous savez, chaque année les sensations sont différentes. C'est vrai que je suis meilleur que par le passé. C'est vrai que j'ai dans mon jeu davantage d'options, c'est vrai qu'au cours de l'année qui s'est écoulée, mon slice s'est amélioré. Mon jeu est plus complet et j'ai davantage de cordes à mon arc.
Q. Rafa, tu as joué des matches relativement faciles, mais il semblerait que tu sois très concentré sur chaque point, comme si tu voulais remporter chaque point. Tu vas peut-être remporter le tournoi 4 fois de suite. Est-ce une motivation supplémentaire ? Est-ce du stress supplémentaire ?
R. Je me concentre toujours à chaque tournoi, je me concentre sur chaque point.
C'était quoi la question… ?
Q. Borg a remporté le tournoi 4 fois de suite.
R. Peu importe, j'essaie de remporter Roland Garros, j'essaie de remporter le titre mais ce n'est pas ma motivation que de battre le record de Borg. Ma motivation, c'est de remporter le tournoi, c'est tout.
Q. Nous écrivons et nous ne jouons pas ; après 10, 11 ou 12 jours, il difficile de savoir dans quel état de santé se trouve le corps d'un joueur de tennis. C'est un match un peu court, mais peux-tu nous expliquer ce qui se passe pour le corps d'un joueur, les jambes, les bras, etc. ?
R. Dans mon cas, il ne se passe rien, parce que je n'ai pas encore livré des matches très serrés. Je suis en demi-finale. J'ai atteint les demi-finales assez facilement, c'est vrai, je n'ai pas perdu de sets, j’ai gagné le premier set 7/5 lors de mon premier match. Donc physiquement, je n'ai pas de problème, je me sens bien. Et en plus, j'ai 2 jours de repos.
Ce tournoi est un peu étrange en raison de la pluie. Cette année il pleut beaucoup à Roland Garros. Mais moi, je me sens en pleine forme, à 100 %.
Q. Rafa, bon anniversaire ! Tu es le favori ici. C'est vrai qu'en règle générale, le favori n'est pas toujours aimé du public, il est parfois hué. Mais avec toi, ce n'est pas le cas, tout le monde t’aime ici. Qu’est-ce que cela signifie, le fait que tu aies pu t’attirer la sympathie du public ?
R. Je me sens très bien ici. Le public a été très sympa pendant tout le tournoi. Je voudrais remercier le public français. Lorsque j’ai joué à Paris, à Marseille, à Bercy, le public français a toujours été sympa avec moi. Je voudrais remercier le public français dans sa totalité.
Q. Ce tournoi se passe pour toi sans embûche, très calme. Es-tu calme intérieurement ou es-tu tendu ?
R. Je ne me sens pas très calme, je suis soumis à la pression, comme les autres joueurs, et je suis toujours un peu nerveux avant le match. Bien sûr les résultats sont là, mais la sensation de nervosité est bel et bien présente au début du match.
Q. Pour la demi-finale, si tu devais nommer un favori, qui nommerais-tu ?
R. Je ne veux rien dire là-dessus. C'est comme vous voulez. C'est un match très ouvert. Le match de Hambourg il y a 2 semaines a été particulièrement ardu, donc tout peut se passer.
Q. Je voudrais que tu saches qu'avec cette situation, tu ne vas plus avoir d'amis… Je voulais te demander si tu avais la sensation que plus on te connaît, plus ils sont intimidés par ton jeu, ou est-ce le changement de terrain qui les affecte un peu ?
R. Non, je ne crois pas. Je crois qu'aujourd'hui, tant pour lui que pour moi... On ne peut jamais généraliser, mais l'un ou l'autre, on fait un très bon tournoi.
Fernando était en huitième, il a fait un très bon tournoi et Nicolas, en arrivant en quarts de finale, a fait un très bon tournoi. Je ne dis pas que tout allait bien pour lui, mais la tension n'est pas tout à fait la même.
En plus, les choses s’additionnent les unes aux autres : il n'avait jamais joué sur le Central, c’est un terrain difficile, il joue aujourd'hui contre moi. Et c'est vrai que j'ai joué mon meilleur match, ici, à Roland Garros, cette année. Tout cela fait qu'à la fin, bien qu'il y ait tous ces facteurs, il est logique que le résultat soit 6/1 6/1 6/1.
Mais les choses sont ainsi et c'est un jour comme cela. Je ne crois pas que c'est parce qu'ils sont Espagnols qu'ils ont plus de respect pour moi ou qu’ils se sentent plus intimidés. Non, je crois que c'est tout à fait le contraire.
Q. Rafa, à quoi t’attends-tu pour le prochain match avec Djokovic ? La même chose, tu vas jouer de la même manière, être plus agressif… ?
R. J’espère que ce sera comme la dernière fois, surtout si la fin est à mon avantage ! En fait, non, ce sera un match difficile, il est numéro 1 cette année, c’est un joueur qui est très en forme, qui joue à un niveau très, très élevé. Mais en même temps, moi aussi je suis en train de bien jouer, je suis en demi-finale d'un Grand Chelem, j'ai fait des très bons tournois sur terre battue. Mais lui aussi. A partir de là, tout peut arriver. Je suis conscient que si je ne suis pas à 100 %, cela va être très difficile pour moi de gagner ce match. Donc il faut que je sois à 100 %
Q. Djokovic gagne bien, beaucoup même, cette semaine, mais avec une certaine difficulté, alors que tu gagnes avec beaucoup de facilité. Dans quelle mesure est-ce bon ? N'aurais-tu pas préféré avoir un match un peu plus difficile ?
R. Il y a une double lecture à cela. Chacun peut y voir ce qu'il veut, non ? Peut-être que le fait d'être arrivé en demi-finale en ayant eu des moments avec plus de tension ou en ayant perdu plus de points peut aider. Et le fait d'être arrivé facilement fait peut-être qu'on n'a pas ressenti des moments de tension, ce qui ne signifie pas qu'on n'ait pas bien joué, on joue de façon très cohérente. Je crois que tout cela, ce ne sont que des paroles, des paroles. Ce qui compte, c'est de bien jouer sur le court vendredi et on verra bien qui aura la victoire. Aussi bien l'un comme l'autre. Finalement, nous sommes habitués à vivre des moments de tension et à jouer ces matches. Ce sera un match compliqué pour tous les deux, cela j'en suis sûr.
Q. Rafa, tu parlais du Central, ce que cela signifie pour certains joueurs d'être sur ce Central, et pour certains joueurs de jouer ici, dans ce stade ; cela les affecte au début. Tu n'a pas ressenti la même chose ou peut-être que nous ne l'avons pas remarqué. Quelle attitude devrait-on avoir lorsque l'on arrive dans un tel court, avec ton expérience et dans la mesure où cela a une influence sur les autres joueurs ?
R. Je n'ai pas de conseil à donner. Je crois que tout le monde a suffisamment d'expérience sur un court Central.
Je ne faisais pas référence à l'attitude qu'il avait, je disais simplement que c'est un court difficile, pas seulement parce que c’est impressionnant, il y a beaucoup de gens, le Chatrier est un court qui a une histoire, qui est grand. Mais surtout, parce que la façon dont il est orienté a un impact sur le jeu. C'est un court qui te rend un peu éloigné de la balle ; la balle va d‘un côté, de l'autre, elle va très loin, ce qui fait que les distances sont plus difficiles à gérer pour moi.
Q. Rafael, jouer contre Djokovic est toujours quelque chose de difficile et de dangereux
sur terre battue. Tu as une valeur ajoutée, tu vas donc sortir du court en sachant que tu as eu un avantage, si on compare avec d'autres surfaces, vis-à-vis de lui ?
R. Tous les matches sont ouverts, comme je te l'ai dit. D'ailleurs à Hambourg, on l'a bien vu, et c'est lui qui m'a gagné. Moi, je l'ai déjà gagné sur des terrains rapides.
Il est clair que je préfère jouer sur de la terre battue en demi-finale plutôt que sur du ciment. Mais lui aussi est un joueur de terre battue, ne nous trompons pas, il a gagné en demi-finale à Monte Carlo, il a été champion à Rome et demi-finaliste à Hambourg, en ne perdant que contre Federer et contre moi. On est en train de parler d'un très bon joueur de terre battue. Et en plus, il a déjà été en demi-finale à Paris, ici, deux années consécutives. Non, c'est un joueur de terre battue, c’est clair.
Q. Rafael, aujourd'hui dans quelle mesure penses-tu que la pression que tu donnes à tes adversaires les influence ? Pas ta technique, mais la pression que tu transmets, que tu donnes au moment où tu arrives sur le court ?
R. Je n'en ai aucune idée, il faut le leur demander à eux. Franchement, j'ai assez à me préoccuper de moi-même plutôt que de penser au autres.
Q. Finalement, le scénario de Roland Garros est en train de se réaliser, si je te demande autre chose, tu vas me dire probablement qu'on en parlera vendredi.
R. Je ne sais pas s'il y a un scénario, nous sommes les trois dont, au départ en tout cas, vous tous qui êtes ici pensez que ce doit être les trois mêmes qui devraient être là. Nous sommes bien là. Federer est encore en quarts de finale.
Pour moi, avant un tournoi, il n'y a pas de scénario. Il peut arriver n'importe quoi dans n'importe quel match. Tu ne sais jamais si tu peux arriver jusqu'en demi-finale, en finale et gagner. C'est quelque chose que nous savons tous, voilà pourquoi nous sommes là où nous sommes.
Q. Je voudrais savoir si cela dérange, tout ce qu’on te demande, et moi-même d'ailleurs ; Borg par exemple, un joueur que tu n'as jamais vu puisque tu n'étais même pas né quand il jouait. Que sais-tu réellement de Borg ? Son nom te parle-t- il ? L’as-tu vu jouer à la télévision, sur des enregistrements ?
R. Je ne sais pas à quel âge il a arrêté de jouer.
Q. Il a gagné de 1977 à 1981, 4 finales consécutives et 2 fois avant.
R. Je suis né en 1986, donc... ! Non, je comprends bien. Tout le monde parle de Borg comme si c'était quelqu'un de différent, mais finalement Borg, c'était Borg. Ce n'est pas quelqu'un de différent. J'ai l'impression, quand il sortait sur le court, qu'il n'allait jamais pouvoir perdre.
Me comparer à Borg, finalement, c'est comme une louange. Comment je vais oser me comparer à Borg, l'un des trois meilleurs joueurs de l'histoire ! Non, franchement, je remercie tous ceux qui m'y comparent, ils me comparent à un immense joueur !
Je n'ai jamais vu Borg, je ne peux pas avoir d'idée sur lui, j'ai vu quelques points, quelques matches sur herbe, à Wimbledon, on les montre toujours quand il pleut à Wimbledon, d'ailleurs ! Il y a quelques jours, il y avait un reportage sur la télévision espagnole où effectivement, on montrait quelques points de Borg contre Lendl à la fin d'un cinquième set. C'est tout ce que j'ai vu de Borg sur la terre battue. Sur l'herbe, oui, je le connais bien, il pleut beaucoup !
Q. Après ces 2 derniers matches, y a-t-il quelque chose dans ton jeu dont tu ne sois pas content à 100 %, pas complètement satisfait, que tu aimerais améliorer ?
R. Non, aujourd'hui j'étais ravi de mon coup droit à 100 % ; le revers, je suis en train de l'améliorer. Ce n'est pas le meilleur feeling que j'ai eu dans ma vie, mais je suis assez content. J'ai mieux servi aujourd'hui que l'autre jour, mais il y avait beaucoup de vent ; quand j'étais bien chaud, je ne me sentais pas aussi coordonné. Mais j'ai deux jours pour bien me préparer. Le service, il suffit que je m'entraîne. Je crois que je suis bien orienté pour avoir de très bons services sans aucun problème. En tout cas je l'espère.
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