lundi 9 juin 2008

Indomtable Nadal!

Indomptable Nadal!
dimanche 8 juin 2008
Par Guillaume Baraise


Madame soleil a joué les filles de l’air pendant presque quatorze jours pendant ces Internationaux de France. Mais pour le dernier jour, l’astre capricieux a bien voulu offrir quelques-uns de ses précieux rayons. On n’en attendait pas moins de lui. Ce dimanche 8 juin, Roland-Garros va être le théâtre du match des matches. Quoi qu’il arrive, l’Histoire est en marche. Qu’il s’appelle Rafael Nadal ou Roger Federer, le vainqueur va entrer au Panthéon du sport.
‘Rafa’ vise son quatrième titre de suite à Paris. Seul un homme a réussi cet exploit avant lui. Björn Borg est là, au premier rang de la tribune présidentielle, pour assister à sa propre succession.
Ou alors, le Suédois, comme les heureux 14 000 spectateurs qui remplissent le court Philippe-Chatrier, va voir s’accomplir un autre exploit Majuscule. Si Roger Federer s’impose, il deviendra le sixième joueur de toute l’histoire du jeu à gagner les quatre tournois du Grand Chelem. Le seul avec Andre Agassi à le faire sur quatre surfaces différentes…
23 sur 26 !
Au moment de la balle de match, les émotions sont donc garanties. Mais il y a d’abord un match à vivre. Un match dont Nadal part nettement favori. En neuf confrontations sur terre battue, Federer n’a trouvé la solution qu’une seule fois face à son grand rival. Le Bâlois reste sur trois défaites de suite, en quatre sets, face au Majorquin à Roland-Garros. Dont deux fois en finale. Et le parcours des deux hommes pendant la quinzaine ne plaide pas en faveur d’un changement...
Place au match, donc, après une cérémonie qui commémore les 80 ans du stade et qui voit défiler quelques-uns des anciens gagnants du tournoi. Au milieu des Borg, Wilander, Nastase, Santana et autres Vilas, c’est Yannick Noah qui sort grand vainqueur à l’applaudimètre. Pour Rafael Nadal et Roger Federer, au moment de la présentation des joueurs, c’est match nul. Le public est partagé.
Très vite pourtant, la majorité des spectateurs va prendre fait et cause pour Roger Federer. Pas tant par choix du cœur, mais pour que le suspense dure. Car Rafael Nadal va survoler ce début de partie. Il break d’abord d’entrée, grâce à trois fautes adverses en coup droit. Et puis à partir de 2-1, c’est la déferlante. ‘Rafa’ va s’adjuger 23 des 26 points suivants…
6/1, 2-0. C’est un massacre. Nadal est déchaîné, son coup droit fracasse, il voit tout, il court partout. Federer, lui, est à côté de ses pompes. Son service ne gêne pas l’Espagnol. Son coup droit non plus. Il ne sait pas quoi faire. Il est tout simplement surclassé…
Un jeu de massacre
Le soutien du public va aider ‘Rodgeur’ à sortir de sa torpeur. Un revers croisé pleine ligne, puis un coup droit dévastateur, enfin, et le voilà qui débreake. 2-1, puis 2-2. Mais pour gagner ne serait-ce qu’un point, il doit accomplir des prodiges. Le niveau de jeu atteint par Nadal est irréel. En retour il ne rate rien. En coup droit, en revers, en passing aussi. Au total du match, il ne va commettre que sept malheureuses fautes directes.
Il va y avoir un moment, un seul, où il va y avoir un semblant de suspense. A 3-3 dans ce deuxième set, le n°1 mondial résiste tant bien que mal à la furia de son adversaire et s’offre une balle de break. ''Rodgeur, Rodgeur'' scande le court Philippe-Chatrier. Dominé à l’échange, le Suisse va commettre la faute en revers, pris par une amortie de ‘’Rafa’’.
On ne le sait pas encore, mais c’est déjà fini. L’infime chance de Federer est passée. A sa quatrième balle de break, Nadal ravit le service de son adversaire lors du jeu suivant, d’un passing de revers presque tranquille. 5-3, puis 6/3 et deux sets à zéro après 1h22 de jeu. L’homme aux 12 titres du Grand Chelem à la tête sous l’eau.
Mieux que Gottfried…
La troisième manche ne sera qu’une rapide agonie du meilleur joueur du monde, écœuré par son piètre niveau de jeu, dégoûté par celui de Nadal. Il y a comme une gêne dans les tribunes. Les regards des champions dans la tribune présidentielle sont consternés. C’est tellement incroyable. Jamais Federer n’avait paru à ce point désemparé. Les fautes s’accumulent d’un côté. Les points défilent de l’autre.
Nadal n’a pas à faire de pitié. Il enfonce le clou, régalant le public de quelques coups droits ‘’lasso’’ dont il a le secret. Une dernière faute directe de Federer, la 35e, met fin à ce sommet qui n’a pas eu lieu. Même ‘Rafa’ reste sobre dans la victoire. Il lève les bras au ciel et sourit de satisfaction. 6/1, 6/3, 6/0 en 1h48. En nombre de jeux, c’est la finale la plus courte de l’ère Open après celle de Guillermo Vilas, vainqueur de Brian Gottfried 6/0, 6/3, 6/0 en 1977. In-croya-ble.
Federer, qui vient d'encaisser son premier 6/0 depuis le tournoi du Queen's en 1999, a le regard perdu sur sa chaise. Il dira plus tard, à l’adresse du public, "Oui, c’est bien moi." Comme s’il y avait un doute.
Au micro de Francetélévisions, Nadal sera magnanime pour son rival. ‘’Je suis très heureux, mais je suis aussi déçu pour Roger. Ce qu’il fait pour le tennis est merveilleux.’’ Ce que fait le Majorquin aussi. Rarement, dans l’histoire de Roland-Garros, un joueur aura laissé une telle impression d’invulnérabilité. Ah si, il y a peut-être eu Björn Borg. Ça tombe bien, c’est le Suédois qui va lui remettre la Coupe des Mousquetaires. C’est une passation de pouvoir. Qui n'est peut-être pas terminée...

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