Deux ans après un entretien mémorable donné à eurosport.fr (dont vous pouvez retrouvez dès mercredi 14h00 les quatre parties ici : Toni, l'autre Nadal, Toni-Rafa, Nadal au carré, Toni et l'avenir de Nadal, Toni Nadal, futur président de l'ATP ?), Toni Nadal a offert une série d'entretiens qui ont retenu notre attention. Deux beaux entretiens à El Mundo, quotidien espagnol, publié ce lundi 27 septembre et à Tennis Magazine, publié ce mois-ci, et quelques mots aussi à la chaîne américaine ABC. Depuis 2008, le discours de Toni n'a pas changé. Malgré la progression de "Rafa", il aborde toutes les questions avec une distance étonnante. De quoi décontenancer les plus acharnés des anti-Nadal. De quoi aussi relativiser toutes les approches actuelles du tennis professionnel. Selon Toni, il faut éduquer plutôt que coacher.
Vous trouvez que Nadal ne joue que sur son physique, vous faites circuler des rumeurs de dopage, vous pensez que son jeu nuit à l'image du tennis ? Toni Nadal ne vous jettera pas la première pierre. Loin de toute polémique, Toni Nadal tire tous les débats ou presque en dehors des courts de tennis.
Quand vous avez une discipline, vous savez écouter et accepter vos erreurs.
Son discours, inchangé nous le répétons, tourne autour d'un axe majeur : l'éducation. Comprenez, le tennis c'est bien, mais il y a beaucoup plus important dans la vie. "Je trouve que d'une manière générale, on néglige trop l'éducation. [...] Je me rappelle de cette image qu'a employée un jour lors d'un colloque en Italie, Ricardo Piatti, l'entraîneur d'Ivan Ljubicic : "Le problème aujourd'hui, c'est que si vous demandez à un père de famille s'il préfère que son fils devienne champion de Roland-Garros ou qu'il soit tout simplement un garçon bien élevé, il choisira la première solution." Or, c'est beaucoup plus facile de gagner Roland-Garros si vous avez une bonne éducation", poursuit Toni dans Tennis Magazine. Car cela veut dire que vous avez une discipline, que vous savez écouter et accepter vos erreurs."
Il n'y a pas de formule magique pour devenir un champion. Toni estime qu'il ne faut pas qu'un entraîneur dise à un joueur : "Tu dois frapper la balle de telle et telle manière" [...] Ce que je veux dire, c'est qu'au-delà de la technique, il faut d'abord connaître et comprendre le jeu". Et les blagues du vieil oncle n'ajoutent qu'une pointe d'ironie à l'importance de la relation entraîneur-joueur. Il lui faisait ainsi croire qu'il possédait des "pouvoirs magiques", qu'il pouvait faire pleuvoir ou faire abandonner Ivan Lendl en regardant la télé... Rafael Nadal de son côté a tout gobé. Les blagues et l'éducation : "Je n'ai pas eu beaucoup à travailler, Rafa a toujours été un garçon facile".
Peut-être aussi qu'on surestime trop son physique
Cette attitude, cette forme de sagesse étonnante, n'est pas un dédain de l'actualité tennistique. Toni ne manque jamais de défendre son neveu. Mais à sa façon. "Aujourd'hui, tout le monde veut parler de tout, sans forcément approfondir." Est-ce qu'on reproche à Nadal de ne pas avoir une bonne technique ? "Si c'est taper fort avec un beau geste mais une fois sur deux en dehors du court ? Non, pour moi, la technique c'est mettre la balle où on veut, avec n'importe quel coup." Est-ce qu'on sous-estime son talent ? "Peut-être aussi qu'on surestime trop son physique", rétorque-t-il en évoquant Monfils ou Tsonga qui sont "plus forts que lui" et le sens de l'anticipation de Nadal, sa vision du jeu, qui permet d'expliquer qu'il soit tout le temps sur la balle.
Techniquement aussi, il n'a pas peur de descendre dans l'arène, mais sans le côté péremptoire des agitateurs d'opinion : "La seule chose que j'ai vraiment conseillée à Rafa, quand il avait dix ans, c'est d'arrêter de jouer son coup droit à deux mains. Parce qu'il n'y a aucun joueur au coup droit à deux mains qui ait atteint les meilleures places mondiales" (grosse pensée pour Fabrice Santoro ici, ndlr). L'essentiel n'est pas de penser à gagner des titres mais à s'améliorer chaque jour. C'est ainsi qu'il a proposé de modifier le service de son neveu (voir Nicklaus inspire les Nadal) et qu'il a globalement fait évoluer son jeu pour pouvoir jouer plus longtemps.
Federer, comme Borg, est différent
Toni Nadal fait partie intégrante du succès de Rafael Nadal. Il dit parfois "nous" quand il parle des résultats de son neveu, mais il prend sans cesse du recul quand on le questionne. Avant de penser à comparer les grands joueurs de l'histoire, il relativise. L'histoire frappe pourtant elle aussi sans cesse à la porte de Manacor. Tomeu Maura d'El Mundo lui parle de John McEnroe qui pense que le niveau actuel est moins bon qu'avant, de savoir si Nadal est meilleur que Borg ou pas... Toni ne veut pas poursuivre de telles spéculations. Il précise simplement que ce qu'a accompli Federer ces dernières années est assez exceptionnel pour ne pas pouvoir comparer avec l'époque de McEnroe, où il y avait plus de concurrence. Quant à Borg, il le compare plus à Federer, car "les deux joueurs sont vraiment différents des autres."
Il faudrait peut-être le titiller un peu plus sur la fierté du travail déjà accompli, mais cela sera compliqué. Mauro tente encore : "Nadal est-il le meilleur sportif de l'histoire du sport espagnol ?" Non, il y a en a d'autres. Toni Nadal traduit en "normalité" ('Je suis normal", nous disait-il en 2008) un parcours qui a tout d'exceptionnel. Avant de faire l'éloge du joueur Nadal, Toni fait l'éloge de Nadal le neveu consciencieux. La simplicité du discours est désarmante. Elle expose une vision du tennis professionnel assez différente du panorama actuel où s'épanouit paradoxalement son protégé.
Source: http://www.eurosport.fr/extra-time_blog147/toni-nadal-l%27educateur_post1470032/blogpostfull.shtml
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