Rafael Nadal a battu Novak Djokovic en 3h49, en finale de l'US Open, lundi à New York. Crédits photo : AFP
Vainqueur des quatre tournois du Grand Chelem, l'Espagnol réaffirme son emprise sur le tennis mondial. Et sa domination peut durer, si le physique tient.
Envoyée Spéciale à New York
La saison 2010 demeurera dominée par le retour époustouflant de Rafael Nadal au sommet. Giflant sa cauchemardesque année 2009 d'un de ses coups droits liftés, le Majorquin a fait preuve d'une volonté à toute épreuve et démontré une rage de vaincre que peu de champions peuvent égaler en surmontant non seulement des problèmes de genoux mais également des difficultés personnelles.
En dominant en finale à l'US Open, Novak Djokovic (6-4, 5-7, 6-4, 6-2) en 3 h 49, Rafael Nadal a remporté à 24 ans son neuvième titre du Grand Chelem. Et il est surtout devenu l'un des sept joueurs de l'histoire (voir infographie) à avoir conquis (au moins) un titre dans les quatre tournois majeurs. «C'est une sensation incroyable, s'enflamme l'Espagnol. J'ai beaucoup travaillé tout au long de ma vie, mais je n'aurais jamais imaginé remporter les quatre tournois du Grand Chelem.» L'Ibérique s'est également imposé lors de trois des quatre tournois majeurs en 2010, une saison comme Federer avait coutume de les signer à l'époque de son insolente domination. «Il joue le meilleur tennis de sa carrière sur dur, affirme Novak Djokovic. Il a radicalement amélioré son service. Son jeu est maintenant adapté à toutes les surfaces.»
Le Serbe sait exactement de quoi il parle. Lors de la finale à Flushing Meadows, jouée pour la troisième fois consécutivement le lundi à cause de la pluie, les deux protagonistes sont parvenus à donner le meilleur d'eux-mêmes. «Pour la première fois de ma carrière, j'ai joué un grand match à l'US Open, et je l'ai fait au moment le plus important» , se réjouit l'Espagnol. Confirmation de Djokovic : «Rafael possède absolument toutes les capacités pour devenir le meilleur de tous les temps. Il est fort dans sa tête. Et, s'il tient le coup physiquement, il a du temps devant lui.» Pour défier Roger Federer (retombé à la 3e place mondiale, derrière l'Espagnol et le Serbe).
«Argumenter pour savoir si je suis meilleur que Roger ou non serait stupide de ma part, affirme au contraire Rafael Nadal. Parce que les titres montrent que Roger est bien au-dessus de moi. Et je pense que cela ne changera jamais. Évidemment, il est un excellent exemple pour moi, et même si nous possédons des styles différents, il y a beaucoup de choses dans sa carrière dont je peux m'inspirer.»
À 24 ans, Rafael Nadal peut en effet donner l'impression d'avoir de nombreuses années devant lui pour ajouter sept ou huit titres du Grand Chelem à son palmarès - particulièrement à Roland Garros - et dépasser les 16 couronnes de son grand rival. Mais l'équation n'est pas aussi simple que cela. Depuis qu'il a explosé au plus haut niveau en 2005, et même avant, le Majorquin se blesse régulièrement : pieds, genoux, abdominaux, son jeu extrêmement exigeant est traumatique pour son organisme, et il donne l'impression de flirter en permanence avec le point de rupture.
«Mon objectif est de m'améliorer en permanence», explique le numéro 1 mondial. Et de détailler : «Le plus important, ce sera d'essayer de continuer à servir aussi bien que dans ce tournoi. Si je peux reproduire ça, ça va être un changement dans ma carrière, car, si j'ai autant de points gratuits sur mon service que j'en ai eu durant ce tournoi, ça va me changer. Je pourrai jouer encore plus agressif, et aussi avec plus de calme lors de mes jeux de retour. J'ai beaucoup progressé par rapport à l'an dernier, mais ce n'est pas assez. Je ne suis pas parfait.» Ou comment continuer à viser la perfection, à fouetter l'ambition: «Cela ne signifie pas nécessairement que je vais gagner d'autres tournois. Le prochain que je vise, en tout cas, c'est le Masters (à Londres), qui est probablement le dernier grand tournoi que je n'ai pas gagné.» Cet objectif-là est à sa portée.
De la terre battue au tout-terrain, la force de la polyvalence
De la spécialisation à la polyvalence. Un devoir et un jeu pour Rafael Nadal habitué à évoluer sur le fil de l'exigence à outrance. Dès sa plus tendre enfance, Toni, son oncle et entraîneur de toujours, fait répéter à ce droitier de naissance ses gammes de la main gauche. Un changement qui, aujourd'hui, offre au numéro 1 mondial un éventail de revers (son meilleur coup), une variété d'angles, pour marier et marteler sans relâche puissance et précision. Évoluer. Un désir nourri par une volonté exacerbée portant sans cesse l'Espagnol.
Dernier exemple en date, deux jours avant le début de l'US Open, le numéro 1 mondial a modifié sa technique au service. En s'appuyant sur une nouvelle prise de raquette. Un pari risqué pour une révolution lui offrant une puissance nouvelle dans l'exercice, un atout de poids dans un carquois déjà bien rempli. Nadal, un socle technique et physique solide et une panoplie toujours prête à accueillir la nouveauté. Pour faire céder ses rivaux. L'Espagnol avait ainsi changé de cordage à l'intersaison pour valoriser encore l'impact et la puissance de perforation de son lift dévastateur.
Changer. S'adapter. Un besoin. Une force. Rafael Nadal a longtemps été catalogué comme un joueur de terre battue, même s'il signa son premier exploit sur le ciment de Miami au détriment de Roger Federer en 2004. La terre, une référence. Longtemps une préférence. Ses fulgurances jaillissent, agressent, étranglent des rivaux assommés par la solidité de son arsenal technique et le poids de son physique.
Cuisses d'airain, mental d'acier, infatigable défenseur aux coups perforants, l'Espagnol s'invite sur le circuit mondial au milieu des années 2000, abat avec célérité les records de précocité. Son emprise physique sidère, effraie, érode les cuirasses les plus solides, son lift détruit, porté par la vitesse de rotation sidérante de ses balles (5000 tours minute, 4000 pour Federer et 2500 pour la moyenne des joueurs selon une étude parue dans le quotidien As) use les mécaniques les plus expérimentées. Très vite la terre devient son royaume. Sa qualité de retour, sa férocité à ne jamais rien lâcher, son acuité visuelle, sidèrent, épuisent.
Restait à laisser mûrir les fruits de la polyvalence. Pour passer avec la même réussite de la terre au ciment. De la terre à la lune. Patrice Hagelauer, le DTN de la Fédération française, résume: «Il est fort. Il est au-dessus. Et progresse encore. C'est un phénomène. À l'époque, on s'est demandé si Borg avec ses longues préparations, son jeu arrondi, pourrait jouer sur herbe, on a vu le résultat (5 titres à Wimbledon). Ces joueurs ont une faculté d'adaptation extraordinaire qui fait toute la différence. Sur surface rapide, les trajectoires de Nadal sont moins rondes, il frappe plus fort avec un lift et des angles incroyables. Et cela s'ajoute au mental, au physique et à sa nouvelle force, le service. Car Nadal fait mal. On ne finit jamais un point contre lui.» Explosif, endurant, seules les limites imposées par un physique soumis à un jeu exigeant, hautement traumatisant vinrent parfois semer un doute quant à la célébration du joueur tout-terrain. Car l'herbe de Wimbledon fut vite coupée. Le «Plexicushion» de Melbourne déroulant ensuite son tapis de lumière. Seul le ciment rapide de New York résistait avant de céder sous la puissance et la précision des assauts. Pour laisser Rafael Nadal marquer l'histoire de son sport, célébrer la polyvalence. Jimmy Connors, Pete Sampras, Boris Becker avaient un talon d'Achille sur la terre de Roland-Garros, ce fut l'US Open pour Bjorn Borg ou Wimbledon pour Ivan Lendl. Rafael Nadal a dompté tous les terrains. La force de l'abnégation et de l'adaptation…
«L'âge d'or du sport espagnol»
«Nadal parmi les légendes du tennis», étalait hier El Pais à la une. «Nadal entre dans l'Olympe», arborait de son côté El Mundo, avant de s'enthousiasmer pour «l'âge d'or du sport espagnol.» Rafael Nadal, fierté ibérique.
Un triomphe s'inscrivant dans la lignée des succès estivaux : la Coupe du monde de football en Afrique du Sud et le troisième sacre d'Alberto Contador lors du Tour de France cycliste. Des succès qui pétillent dans des coupes trinquant de plus en plus souvent pour accompagner les performances régulières signées sur les circuits.
Fernando Alonso, le double champion du monde de Formule 1 s'est, après une victoire dimanche dernier lors du Grand Prix de Monza, replacé dans la course au titre. Et en moto, Jorge Lorenzo et Daniel Pedrosa (Moto GP), Antonio Elias et Julian Simon (Moto 2), Marc Marquez, Nicolas Terol et Pol Espargaro (125 cc) trônent en tête des classements mondiaux. Heureuse et sportive Espagne.
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