vendredi 23 mai 2014

Nadal : «Je lutte pour ne pas perdre»


Alors qu'aura lieu le tirage au sort de Roland-Garros en fin de matinée, Rafael Nadal s'est confié au Figaro. Moins souverain mais animé d’une inextinguible fureur de vaincre, le n°1 mondial vise un neuvième sacre Porte d'Auteuil.
Au cœur d’une campagne sur terre battue moins flamboyante (marquée par des éliminations en quarts de finale à Barcelone puis Monte-Carlo, face à David Ferrer puis Nicolas Almagro, avant une défaite en finale à Rome contre Novak Djokovic), Rafael Nadal a, lors d’un long entretien accordé au Figaro, pris le temps de raconter sa passion pour Roland-Garros (qui débute dimanche) et le tennis. L’Espagnol, porté par une détermination d’airain, écrit à toute vitesse une légende qui laissera une trace profonde à Paris et dans l’histoire du jeu.

Toutes les défaites sur votre surface préférée sont ressenties comme un tremblement de terre. Les vivez-vous douloureusement?
Rafael Nadal : Les choses sont simples. Lors des neuf dernières années, j’ai tellement gagné sur terre battue (311 victoires, 24 défaites, 44 titres) que, lorsque je perds un match sur cette surface, cela devient quelque chose de spécial. Mais c’est normal de perdre. Cela fait partie de la vie, du sport, du tennis. Nous voyageons avec cela, nous vivons avec cela. Nous devons l’accepter. Tout au long de ma carrière, je l’ai accepté. Je lutte pour ne pas perdre, mais c’est impossible d’être toujours au top mentalement, physiquement.
Quand je sens que Roland-Garros est le prochain tournoi, mon estomac se noue
Même moins dominateur,vous figurerez logiquement parmi les grands favoris de Roland-Garros…
Je ne me considère pas, et ne me suis jamais considéré, comme le grand favori de Roland-Garros. Nombreux sont les joueurs qui peuvent rivaliser. Mais Roland-Garros reste pour moi un rendez-vous spécial. J’ai toujours aimé y être, y jouer. J’aime profondément Roland-Garros. J’espère être prêt. Roland-Garros est le tournoi le plus important de ma carrière. Un endroit vraiment spécial. J’y ai connu tant de grands moments, tellement d’intenses émotions. J’aime beaucoup Paris, ma ville préférée. Roland-Garros a, pour moi, une signification très, très forte, presque difficile à expliquer. Je ne peux pas y penser quand je joue Madrid ou Monte-Carlo, qui sont des tournois importants pour moi, et que ces semaines comptent, mais quand je sens que Roland-Garros est le prochain tournoi, mon estomac se noue. Le feeling est très spécial.

Tous les joueurs français rêvent de gagner Roland-Garros. Y parviendront-ils un jour ?
Bien sûr. De nombreux joueurs français ont beaucoup de talent et pourraient prochainement gagner Roland-Garros. Richard (Gasquet) est un grand joueur. Monfils est un grand joueur quand il est en forme. Jo (Tsonga) était en demi-finale l’an dernier, donc pourquoi pas ? La fédération française se donne tous les moyens de gagner le tournoi, mais cela reste difficile. Je préfère toutefois la situation de la fédération française à celle de la fédération espagnole, qui ne dispose pas des mêmes moyens pour aider les jeunes, mais peut-être que ces derniers sont plus déterminés et davantage décidés à souffrir. Parfois, toutes les opportunités et facilités offertes, c’est trop…
Quand vous vous retournez, de quoi êtes-vous le plus fier ?
De nombreuses choses, mais… l’année 2013 conservera une place particulière. Il s’agissait du challenge le plus délicat de ma carrière après une nouvelle blessure (inflammation du tendon rotulien du genou gauche qui le tiendra éloigné des courts durant sept mois, avant un retour canon à la place de numéro 1). Revenir. Ce n’était pas impossible, parce que je l’ai fait, mais quand je repense au chemin parcouru, aux douleurs, aux sacrifices consentis après avoir enduré autant de problèmes de santé, je suis extrêmement fier.
J’aime encore le jeu et le circuit
Le tennis est-il encore un jeu ?
J’apprécie toujours autant d’être sur un court, à l’entraînement ou devant des milliers de spectateurs. Et si ce n’est pas toujours le cas, j’aime encore le jeu et le circuit, même si, semaine après semaine, j’évolue avec beaucoup de pression, de stress. Mais si on cherche à atteindre ses limites pour rivaliser avec les meilleurs, il y a toujours cette pression.
Martina Navratilova a dernièrement dit: «Federer est le meilleur joueur de tousles temps, mais Nadal est le meilleur des deux» (Andre Agassi a ensuite ajouté que Nadal était le meilleur joueur de l’histoire devant Federer). Qu’en pensez-vous ?
C’est délicat pour moi de comparer. Federer est meilleur que tous les autres, il n’y a aucun doute là-dessus. Mais sa carrière n’est pas finie. Il joue encore, gagne encore. Et j’espère que je vais continuer à gagner aussi. Pour moi, Rod Laver et Roger Federer sont les deux meilleurs joueurs de l’histoire. Et c’est difficile d’en choisir un des deux…
Le tennis est-il un mélange de boxe et de danse ?
Je n’ai pratiqué aucun des deux, c’est un peu difficile… Le tennis est à mes yeux une combinaison de mental, de physique et de souffrances. Lorsque tous ces éléments se combinent, cela offre le meilleur. Jusqu’à devenir un art? Je ne sais pas, le tennis est avant tout un sport dans lequel la perfection est tellement difficile à atteindre. Vous réalisez absolument tout ce que vous voulez faire et vous êtes porté par un physique incroyable, et le lendemain ou les jours suivants vous jouez simplement bien ou juste de façon moyenne. Je ne recherche pas la perfection.
Homme d’affaires ? Mon père en est un, j’apprends avec lui.
Vous avez tout gagné, après quoi courez-vous encore ? 10 titres à Roland-Garros, 18 sacres en Grand Chelem...?
Mon but est d’être heureux. Jouer encore pendant quelques années. Combien ? On ne peut pas prédire, on ne peut pas choisir. Trois, quatre, cinq, six ans, je ne sais pas. Quand le temps sera venu, que je sentirai que je n’ai plus l’énergie nécessaire, ce sera le moment de dire au revoir et de partir explorer d’autres pistes. Le tennis m’a offert de vivre des choses que jamais je n’aurais pu vivre sans lui. J’ai de la chance, et pour l’instant mon souhait est de continuer à jouer.
Comment vous imaginez-vous dans dix ans ?
Je resterai près du sport. J’aime le sport comme acteur et comme spectateur. Et je ne peux pas m’imaginer à la maison sans rien faire, alors je vais avoir besoin d’avoir des activités et j’ai de nombreux projets, comme celui d’une académie à Majorque. Avec l’envie d’aider les jeunes et pas uniquement les Espagnols. Je resterai actif. Homme d’affaires ? Mon père en est un, j’apprends avec lui.
Le tennis est souvent la cible de critiques pour son manque de contrôles et d’actions dans la lutte contre le dopage. Qu’en pensez-vous ?
La question n’est pas le nombre des contrôles, parce que ceux qui ne croient pas aujourd’hui ne croiraient pas davantage. C’est plus le suivi et le résultat des contrôles qui est déterminant. J’ai été contrôlé avant le tournoi de Madrid, chez moi, à 6 heures du matin. Personne ne le sait. Et personne n’est au courant du résultat. Je pense que le tennis est propre, avec des contrôles adaptés. Il y a eu des cas, mais peu nombreux. Je sais combien j’aime ce sport, ce que j’y consacre jour après jour. Je hais ceux qui ne sont pas 100 % propres. Lorsque vous vous dopez, vous avez perdu. Vous n’avez aucun respect pour personne. Je préférerais toujours perdre que de faire ce genre de choses…

Source: http://sport24.lefigaro.fr/tennis/roland-garros/actualites/nadal-je-lutte-pour-ne-pas-perdre-695819

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