jeudi 5 mars 2009

Ils s'affrontent hors du court

Ils s'affrontent hors du court

5 mars 2009

PROCÉDURE ANTIDOPAGELes nouvelles exigences de localisation créent la polémique. Les uns applaudissent, les autres s'insurgent. Nadal invoque une atteinte à la vie privée.

Le tennis veut bien engranger des millions. Il ne paraît cependant pas près d'accepter les règles en matière de lutte antidopage qui régissent le cyclisme depuis deux ans. La nouvelle procédure antidopage - introduction du système ADAMS - depuis le début de l'année provoque une levée de boucliers de certains tennismen. Rafael Nadal, numéro un mondial, s'insurge dans «L'Equipe», «c'est une intrusion intolérable dans la vie privée». Alors qu'Andy Murray, numéro quatre mondial, assure que les contrôles en compétition suffisent largement pour débusquer les tricheurs. «Nous disputons quelque trente tournois par année», lâche-t-il. «Trente contrôles par année, cela me paraît suffisant.»

Certes. Mais l'agence mondiale antidopage (AMA) est bien consciente que, pour réduire l'écart entre les gendarmes qu'elle représente et les voleurs, seuls les contrôles inopinés sont réellement efficaces.

Elle a d'ailleurs trouvé en Roger Federer un appui de poids. «On ne va pas attraper les tricheurs en les prévenant avant», a-t-il déclaré au «Times». «Les mesures sont contraignantes mais elles sont nécessaires si l'on veut prouver que le tennis est un sport propre.»

Justement, ce sont bien ces contraintes - emploi du temps lors des trois mois à venir, localisation fixe une heure par jour - qui provoquent la colère de quelques-uns des ténors du jeu. «Nous avons l'impression d'être des criminels. Même ma mère ne sait pas où je me trouve chaque jour», glisse Rafael Nadal, encore sous le choc d'avoir été contrôlé un soir à 20 heures, alors «que je buvais un verre avec des amis à Manacor».

La revendication de l'Espagnol tombe assez mal, lui qui est régulièrement suspecté d'enfreindre les règles (voir l'affaire Puerto). Mais elle est assez cohérente dans un pays où les sportifs n'ont jamais été trop inquiétés. «En Suisse, où Swiss Olympic est à la pointe de la lutte antidopage, nous avons l'habitude de ces contrôles inopinés», explique Yves Allegro. «J'en subis deux ou trois par année. Roger Federer, lui, reçoit sept ou huit visites d'un contrôleur. En Espagne, notamment, ils n'ont jamais dû donner leur urine en dehors d'un tournoi.»

Voilà qui ébranle quelques habitudes. Et qui pourrait redistribuer les cartes. Le tennis, malgré quelques cas récents - voir ci-dessous - a toujours eu la réputation d'étouffer les affaires. La rumeur prétend qu'il est demandé à un joueur pincé de prétexter une blessure et de quitter la scène pour quelques temps. «J'ai souvent entendu ça», soutient le joueur valaisan. «Mais je n'en ai jamais eu la confirmation. C'était possible à l'époque, lorsque les contrôles étaient effectués par l'ATP. Depuis que c'est l'AMA et les instances nationales qui luttent contre ce fléau, ça me paraît plus compliqué.»

«On peut être numéro un sans être dopé»

Reste que les tennismen, à l'instar des cyclistes, doivent donc désormais se connecter au logiciel ADAMS. Les contraintes sont bien réelles pour un sport beaucoup moins prévisible que d'autres. «Prenez les footballeurs ou les hockeyeurs!» poursuit Yves Allegro. «Ils connaissent leur planning longtemps à l'avance. Ils savent quand ils s'entraînent, quand ils jouent. Pour nous, c'est très différent. Une défaite au premier tour et notre programme diffère complètement. C'est vrai que notre vie privée est un peu chamboulée. Mais ces règles font partie du métier et il faut les accepter.»

Quant à la complexité du logiciel, lui aussi décrié, elle fait sourire le spécialiste de double. «Il suffit d'un SMS pour annoncer un changement de programme. Or, des SMS, les joueurs en envoient 200 par jour... Un de plus, ce n'est quand même pas si compliqué.»

Reste la question de fond. Le tennis est-il «pourri» par le dopage? «A priori, il n'y a pas de raison qu'il soit épargné», relève Yves Allegro. «Il ne faut surtout pas se voiler la face. Mais les produits n'ont pas la même influence que dans d'autres sports. Ils peuvent aider à récupérer, permettre d'augmenter la charge d'entraînement. Mais le mental est essentiel en tennis. Et là, aucun produit n'y peut rien. En outre, je suis convaincu qu'on peut être numéro un sans être dopé.»

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